Évolution de la superficie de la banquise arctique au cours des 1500 dernières années

Une récente recherche publiée dans la revue Nature par une équipe internationale de chercheurs, dont une paléo-océanographe de l’Université du Québec, a réussi à établir l’évolution de la banquise arctique depuis 1450 ans. C’est en croisant des données provenant de carottes de glaces, d’anneaux de croissance et de sédiments lacustres que les chercheurs sont parvenus à obtenir ces résultats.  Ils attribuent la variabilité naturelle de la banquise à l’interaction des eaux de l’océan Arctique avec celles de l’Atlantique et confirment l’origine anthropogénique de la fonte marquée des dernières décennies.

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Pourquoi l’Arctique se réchauffe plus vite: l’amplification banquise-albédo

Évolution projetée de la température en surface pour la fin du XXIe siècle (2090-2099) par rapport à la période 1980-1999, selon les projections moyennes obtenues avec plusieurs modèles de la circulation générale couplés atmosphère-océan pour le scénario A1B du SRES. 4e rapport du GIEC, 2007

Dans le vidéo inséré dans l’article précédent, on observe clairement qu’il se passe quelque chose de particulier au pôle nord. L’Arctique se réchauffe actuellement 2 à 3 fois plus rapidement que la moyenne du globe. Dans certaines régions de l’Alaska, du Canada et de la Sibérie, les températures hivernales ont augmenté de 3-4°C au cours des 50 dernières années. Pourquoi l’Arctique se réchauffe-t-il si rapidement? Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais le principal est la boucle de rétroaction positive banquise-albedo (ice-albedo feedback).  La banquise arctique, dont la diminution est actuellement plus rapide que ne le prédisent les modèles, reflète vers le ciel environ 80% de l’énergie solaire qui la frappe (ce taux varie selon les régions et les saisons). À l’opposé, une mer libre en absorbe plus de 80%. L’impact de la fonte de la banquise sur le bilan énergétique de la région est donc majeur.

Un effet similaire se produit aussi au-dessus des terres polaires, qui sont désormais moins longtemps recouvertes de neige, et dont la surface plus sombre est en mesure d’absorber plus d’énergie. En arctique, un léger réchauffement initie donc une série de réactions qui ont pour effet d’amplifier le réchauffement original. C’est une boucle de rétroaction positive, communément appelée « effet boule de neige » : plus il fait chaud, plus la banquise fond, plus la banquise fond plus il fait chaud. D’autres facteurs complexifient la situation, comme les courants marins, les patrons de circulation atmosphérique et les aérosols. L’amplification arctique est un cas particulier de rétroaction climatique positive.

Dans ce type de réaction non-linéaire, des seuils de non-retour peuvent être franchis qui poussent un système hors de sa zone d’équilibre et entraînent sa reconfiguration dans un nouvel état.  Ainsi, plusieurs prévoient que passé un certain point, la fonte de la banquise s’accélérera et deviendra irréversible. D’autres amplifications, liées à la présence de méthane dans le permafrost et sur les plate-formes océaniques de l’arctique, pourraient être déclenchées si le réchauffement de l’arctique atteint un seuil critique.

Dans un contexte plus large, l’hémisphère nord se réchauffe lui-même plus rapidement que l’hémisphère sud en raison de ses importantes masses continentales, qui réagissent plus rapidement à l’augmentation des températures que les océans, caractérisés par leur grande inertie thermique.

Rappelons enfin que cette amplification du réchauffement en arctique est prédite par les scientifiques depuis nombre d’années et qu’elle est actuellement en train d’être vérifiée empiriquement dans le monde réel.
Un article sur le site de la NOAA

Le mois de la marmotte: 322 mois consécutifs au-dessus de la normale

Depuis février 1985, il n’y a pas eu un seul mois où la température globale a été plus froide que la normale du XXe siècle. Quand on connaît l’importante variabilité naturelle du climat, c’est plutôt impressionnant. Dans son dernier rapport annuel, la NOAA l’exprime en termes d’années:

L’année 2011 marque la 35e année consécutive, depuis 1976, où la température est supérieure à la normale.

Le studio de visualisation scientifique de la NASA a produit une animation qui nous permet d’observer la tendance sur une carte plutôt qu’un graphique:

Année de pluie extrême: 2011 au second rang de l’histoire instrumentale, après 2010.

Le bilan annuel de la NOAA

En résumé pour 2011:
Température globale: entre 9e et 11e rang, selon la base de données.
Température d’une année La Niña: 1er rang.
Superficie estivale minimum de la banquise arctique: 2e plus petite.
Volume estival minimum de la banquise arctique: 1er rang, plus petit volume mesuré.
Précipitations: 2e rang.

 

Photo prodigieuse d’une planète miraculeuse

L’équipe du nouveau satellite d’observation de la Terre de la NASA, Suomi, vient de rendre publique une image ahurissante de la planète bleue. L’auteur de ces lignes est un vétéran des belles images de la Terre et peut vous dire que celle-là se classe définitivement dans la grande catégorie. La finesse des détails observables dans la version pleine résolution est à couper le souffle. On est hypnotisé par la richesse des nuances dans les nuages, le relief, l’eau et la végétation.  L’équilibre entre air, mer et terre est aussi remarquable.

Et, surtout, c’est chez nous. C’est la planète de la vie dans toute sa splendeur.

L’image a été réalisée à partir d’une série de photos prises le 4 janvier dernier par l’instrument VIIRS. Lancé le 28 octobre 2011, le satellite Suomi est le premier d’une nouvelle génération de satellite d’observation de la Terre. Muni de 5 instruments, il est conçu pour observer les multiples facettes d’une planète en transformation constante.  Sa mission est centré sur l’évolution météorologique et climatique du système terrestre.

Données paléoclimatiques: le climat serait plus réactif qu’on ne le croyait

Une recherche paléoclimatique menée par le dr. James Hansen de la NASA indique que la réaction du climat à un forçage radiatif serait plus rapide que généralement convenu jusqu’ici, possiblement en raison de l’instabilité sous-estimée des glaces.  Les résultats indiquent que lors du dernier épisode interglaciaire, l’Eémien il y a 120 000 ans, la température globale était environ 1°C plus chaude qu’aujourd’hui et le niveau de la mer 4 à 6 m plus élevé. Un réchauffement de 2°C, la limite politiquement convenue, serait quant à lui comparable à la température du Pliocène, il y a 4 million d’années, alors que le niveau de la mer était plus élevé d’environ 25 m. Ces observations paléoclimatiques semblent corroborées par l’observation satellite d’une perte de masse accélérée au Groenland et en Antarctique depuis 2002, ainsi que par le déclin plus rapide que prévu de la banquise arctique:

However, based on evidence presented in this paper a target of 2°C is not safe or appropriate. Global warming of 2°C would make Earth much warmer than in the Eemian, when sea level was 4-6 meters higher than today. Indeed, with global warming of 2°C Earth would be headed back toward Pliocene-like conditions.
Conceivably a 2°C target is based partly on a perception of what is politically realistic, rather than a statement of pure science. In any event, our science analysis suggests that such a target is not only unwise, but likely a disaster scenario.

Communiqué de la NASA
Étude originale
Présentation des chercheurs lors de la rencontre de l’American Geophysical Union.

AIE: les chances de limiter le réchauffement à 2 degrés s’amenuisent rapidement.

Selon le dernier rapport annuel de l’Agence Internationale de l’Énergie, si notre régime énergétique ne change pas significativement d’ici 2017, il deviendra pratiquement impossible de limiter le réchauffement global à 2°, l’objectif sur lequel s’est entendu la communauté internationale.

Le sommaire exécutif en français
Le communiqué de presse

Le nord du Québec verdit

Comparaison d'une partie du Québec boréal montrant une croissance de la végétation entre 1986 et 2004. Dans cette image Landsat en fausses couleurs, plus de rouge indique plus de végétation. Crédit: Jeff Masek

Pour plus de détails sur les conséquences anticipées des changements climatiques pour le Québec, voir le rapport du Centre Ouranos.

Le système climatique

D'après Earth’s Climate: Past and Future, William F. Ruddiman

À l’échelle de la planète comme à celle de nos vies, le système climatique de la Terre impressionne par sa force, sa diversité, sa complexité et sa beauté. Le climat est une source inépuisable et universelle d’émerveillement comme de crainte. Fruit d’innombrables relations entre l’air, l’eau, l’espace, la terre et la vie, il est la condition de notre existence et tisse le décor de nos vies. Il a façonné notre évolution et dessinera notre avenir. Le climat est la matrice de la vie.

Un automne 2011 extrêmement chaud au Québec

Pendant que ce début d’hiver 2012 alimente les conversations au Québec, le bilan de l’automne vient d’être publié par le service Climat-Québec, un partenariat entre Environnement Canada et le centre Ouranos.  Le dernier automne du Québec méridional a été en moyenne 3,7°C au-dessus de la normale, ce qui représente un écart-type de 2,5 relativement à la courbe de distribution moyenne des températures. Un tel écart représente moins de 2% des données et se produit théoriquement moins d’une fois au 50 ans.  C’est cet écart-type élevé (au-dessus de 2) qui justifie l’utilisation du terme « extrême ».  Lire la suite du bilan ici.

Les chaleurs triple-sigma: une nouvelle catégorie de température extrême a fait son apparition

Désormais, lorsqu’un événement météorologique extrême se produit, dans les médias comme dans les conversations, la question se pose systématiquement: est-ce la faute du réchauffement global?  En général, dans l’état actuel des connaissances, la réponse scientifique typique  se décline à peu près de la manière suivante:

  1. Il n’est jamais possible d’attribuer aux changements climatiques la responsabilité d’un événement en particulier puisque la climatologie s’exprime sur des tendances à long terme.
  2. Chaque événement particulier s’explique par un éventail enchevêtré de causes spécifiques, aussi bien rapprochées qu’éloignées de lui dans l’espace et dans le temps.
  3. Il y a toujours eu des événements extrêmes.
  4. La science des changements climatiques prévoit cependant depuis plusieurs années que la hausse des températures, via l’accroissement de l’évaporation des sols et des océans, entraînera une augmentation des sécheresses et des précipitations intenses, selon les régions.

À partir de cette réponse scientifiquement rigoureuse, il ne semble donc pas possible d’établir de lien ferme entre réchauffement et événement extrême, même si la science du climat prédit pourtant l’augmentation de certains d’entre eux.  Pour faire le lien, c’est non pas à un seul événement qu’il faut s’attarder, mais à un ensemble d’événements répartis dans la durée.  La bonne question est donc: «Y a-t-il augmentation des événements extrêmes dans les dernières décennies?»  C’est à cette question qu’on voulu répondre Hansen, Mato et Ruedy dans une de leur plus récentes études, en s’attardant spécifiquement aux événements de températures extrêmes.  Les deux climatologues ont voulu quantifier l’évolution des anomalies de température au cours des dernières décennies en les catégorisant en « unités de déviation standard », plus communément appelés écart-type (σ).

Leur travail met ainsi en lumière l’apparition d’une nouvelle catégorie d’événement à peu près inexistant il y a 30 ans et couvrant maintenant environ 10% des surfaces émergées en juillet-août: les chaleurs triple-sigma.  Il s’agit d’anomalies de température s’écartant de plus de trois écarts-types de la courbe normale de distribution du climat d’une région donnée.  Les cartes de températures publiées par les chercheurs montrent bien l’émergence récente de ces chaleurs extrêmes. Leur conclusion: «Thus there is no need to equivocate about the summer heat waves in Texas in 2011 and Moscow in 2010, which exceeded 3σ – it is nearly certain that they would not have occurred in the absence of global warming. If global warming is not slowed from its current pace, by mid-century 3σ events will be the new norm and 5σ events will be common

Dans une courbe distribution normale, 68% des anomalies (écarts à la normale) se classent à l'intérieur du premier écart-type relativement à la valeur moyenne, 27% entre 1σ et 2σ et 4% entre 2σ et 3σ. Seulement 0,2% des événements s'écarte de plus de 3σ de la moyenne.

Une autre étude s’intéressant à cette question ici.

Sensibilité écosystémique: une étude de la NASA prévoit des impacts majeurs

Une modélisation réalisée par des équipes de chercheurs américains a tenté de quantifier l’impact du réchauffement global sur les écosystèmes au cours des prochains siècles. Les résultats, s’ils ne sont pas surprenants, sont toutefois impressionnants.

https://i0.wp.com/www.nasa.gov/images/content/610763main_climate20111214-43_full.jpg

Selon cette recherche publiée dans le journal Climatic Change, d’ici 2100, les changements climatiques auront modifié l’écosystème végétal de près de la moitié des surfaces émergées de la planète et provoqué la métamorphose d’environ 40% des écosystèmes terrestres dans un type différent de communauté écologique.(ex. taïga à forêt, forêt à plaine, plaine à désert).  Un tel changement en l’espace de 100 ans apparaît très rapide quand on pense que les communautés écologiques évoluent normalement sur des échelles de temps qui se comptent en milliers et en millions d’années.

Les projections dépeignent un stress écologique croissant dans la biosphère à mesure que les changements s’intensifieront et que des ruptures d’équilibres écologiques bouleverseront l’ensemble de la chaîne alimentaire. L’appauvrissement de la biodiversité déjà en cours en raison de la disparition des habitats – que plusieurs scientifiques appellent la sixième extinction – est appelé à s’accélérer.

D’après: jpl.nasa.gov
Étude complète ici

390 ppm: la concentration de CO2 dans l’atmosphère franchit un nouveau cap

Le mois dernier, pour la première fois depuis au moins 1 million d’années, le taux de gaz carbonique dans l’atmosphère de la Terre a franchi le cap des 390 ppm, une augmentation de 40% relativement au taux de l’ère pré-industrielle en 1750. Ce taux était resté à peu près inchangé depuis les 10 000 dernières années. Le niveau pré-industriel de 278 ppm se situait lui-même à la limite supérieure d’une oscillation qui durait depuis au moins 800 000 ans, corrélée avec les cycles glaciaires, et qui faisait varier la concentration de CO2 entre 180 et 280 ppm.

Il y a quelques semaines, l’organisation météorologique mondiale (OMM) a publié son rapport officiel pour l’année 2010. Le bilan scientifique constate qu’entre 2009 et 2010, la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère a augmenté de 2,3 ppm, une hausse plus importante que la moyenne de la décennie 2000-2010, établie à 2,0 ppm/an. La hausse moyenne des années 1990 était de 1,5 ppm/an.

Après la récession de 2008, le taux d’augmentation des émissions humaines de gaz à effet de serre avait subi un léger ralentissement (i.e. elles avaient augmentées moins rapidement), mais 2010 aura vu l’humanité appuyer de nouveau sur l’accélérateur.

Le rapport constate également que le forçage radiatif de l’atmosphère par les gaz à effets de serre s’est accru de 29% entre 1990 et 2010, le dioxyde de carbone contribuant pour 80 % à cette augmentation.  «Même si nous parvenions à stopper aujourd’hui nos émissions de gaz à effet de serre, ce qui est loin d’être le cas, les gaz déjà présents dans l’atmosphère y subsisteraient encore pendant des dizaines d’années » a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud.

D’après: Organisation Météorologique Mondiale
Rapport officiel sur l’état des gaz à effets de serre dans l’atmosphère 2010 ici.

2011: année record pour les anomalies de précipitations aux États-Unis

En 2011, 56% du territoire américain a vécu une année extrême côté précipitations. Une telle proportion est un record historique. Une anomalie extrême correspond à un événement climatique se situant dans les tops 10% des écarts à la normale. Ainsi, 32% des États-Unis continentaux ont reçu des quantités de précipitations records (dépassées ou approchées) alors que 24% ont au contraire subi une aridité extrême. La sécheresse au Texas et l’ouragan Irène symbolisent cette anomalie historique.

Prévue depuis longtemps par les scientifiques, la transformation du régime hydrologique en générale et l’accentuation des extrêmes en particulier, est une des conséquences physiques du réchauffement global sur le système climatique. L’augmentation des températures provoque en effet simultanément la hausse du taux d’évaporation des sols et celui des océans. On estime qu’il y a aujourd’hui 4% plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère que dans les années 1970.

D’après: Jeff Masters