Banquise arctique 2012: nouveau minimum historique

«Nous sommes maintenant en territoire inconnu» explique le directeur du National Snow and Ice Data Center américain (NSIDC) à propos de l’état actuel de l’Arctique. «Même si nous savons depuis longtemps que la Terre se réchauffe et que les premiers symptômes se manifesteraient de façon plus marquée en Arctique, peu d’entre nous avions anticipé des changements aussi rapides.» Après avoir fracassé des records en 2005, puis en 2007, la banquise a de nouveau fondu à un minimum historique cette année.  Les six plus petites banquises polaires de l’histoire ont maintenant été observées lors des six dernières années…

Diminuant sous la barre des 4 millions de km carrés pour la première fois depuis des milliers d’années, un seuil que la plupart des spécialistes ne croyaient pas voir de leur vivant, la banquise arctique 2012 a atteint son minima le 16 septembre dernier, diminuant jusqu’à 3,4M/km2.  Ce nouveau record pulvérise donc le record de 2007 par 18% (l’équivalent de retrancher près de 2s au record du 100m), ce dernier ayant lui-même pulvérisé celui de 2005 par 22%, ce qui avait déjà sidéré la communauté scientifique à l’époque.  La superficie de la banquise est donc actuellement près de 50% plus petite que la normale des années 1979-2000.

Banquise arctique au 16 septembre 2012, relativement à la normale des années 1979-2010

Il vaut la peine de rappeler que la blogosphère climato-négationniste se gargarisait en avril dernier de constater que la superficie de la banquise frôlait, ô miracle, la normale saisonnière des 30 dernières années. «Arctic recovery!» titraient-ils avec satisfaction.  On repassera pour le rétablissement…  Il est d’ailleurs remarquable que le record de 2007 ait été franchi après un tel début de saison et un été polaire plus frais que ceux de 2007 et 2005. L’explication la plus plausible est l’amincissement accéléré de la banquise, qui fond non seulement en superficie, mais aussi en épaisseur, ce qui la rend beaucoup moins résistante aux tempêtes. Des volumes minimum records ont été établis en 2010, puis en 2011. Il y a fort à parier que 2012 marquera une 3e année record consécutive à cet égard.

La spirale descendante de la banquise se poursuit donc de plus belle et le pôle nord est de moins en moins polaire. Plusieurs experts pensent que les impacts dépassent maintenant le cercle arctique et affectent directement nos latitudes.

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Évolution de la superficie de la banquise arctique au cours des 1500 dernières années

Une récente recherche publiée dans la revue Nature par une équipe internationale de chercheurs, dont une paléo-océanographe de l’Université du Québec, a réussi à établir l’évolution de la banquise arctique depuis 1450 ans. C’est en croisant des données provenant de carottes de glaces, d’anneaux de croissance et de sédiments lacustres que les chercheurs sont parvenus à obtenir ces résultats.  Ils attribuent la variabilité naturelle de la banquise à l’interaction des eaux de l’océan Arctique avec celles de l’Atlantique et confirment l’origine anthropogénique de la fonte marquée des dernières décennies.

Pourquoi l’Arctique se réchauffe plus vite: l’amplification banquise-albédo

Évolution projetée de la température en surface pour la fin du XXIe siècle (2090-2099) par rapport à la période 1980-1999, selon les projections moyennes obtenues avec plusieurs modèles de la circulation générale couplés atmosphère-océan pour le scénario A1B du SRES. 4e rapport du GIEC, 2007

Dans le vidéo inséré dans l’article précédent, on observe clairement qu’il se passe quelque chose de particulier au pôle nord. L’Arctique se réchauffe actuellement 2 à 3 fois plus rapidement que la moyenne du globe. Dans certaines régions de l’Alaska, du Canada et de la Sibérie, les températures hivernales ont augmenté de 3-4°C au cours des 50 dernières années. Pourquoi l’Arctique se réchauffe-t-il si rapidement? Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais le principal est la boucle de rétroaction positive banquise-albedo (ice-albedo feedback).  La banquise arctique, dont la diminution est actuellement plus rapide que ne le prédisent les modèles, reflète vers le ciel environ 80% de l’énergie solaire qui la frappe (ce taux varie selon les régions et les saisons). À l’opposé, une mer libre en absorbe plus de 80%. L’impact de la fonte de la banquise sur le bilan énergétique de la région est donc majeur.

Un effet similaire se produit aussi au-dessus des terres polaires, qui sont désormais moins longtemps recouvertes de neige, et dont la surface plus sombre est en mesure d’absorber plus d’énergie. En arctique, un léger réchauffement initie donc une série de réactions qui ont pour effet d’amplifier le réchauffement original. C’est une boucle de rétroaction positive, communément appelée « effet boule de neige » : plus il fait chaud, plus la banquise fond, plus la banquise fond plus il fait chaud. D’autres facteurs complexifient la situation, comme les courants marins, les patrons de circulation atmosphérique et les aérosols. L’amplification arctique est un cas particulier de rétroaction climatique positive.

Dans ce type de réaction non-linéaire, des seuils de non-retour peuvent être franchis qui poussent un système hors de sa zone d’équilibre et entraînent sa reconfiguration dans un nouvel état.  Ainsi, plusieurs prévoient que passé un certain point, la fonte de la banquise s’accélérera et deviendra irréversible. D’autres amplifications, liées à la présence de méthane dans le permafrost et sur les plate-formes océaniques de l’arctique, pourraient être déclenchées si le réchauffement de l’arctique atteint un seuil critique.

Dans un contexte plus large, l’hémisphère nord se réchauffe lui-même plus rapidement que l’hémisphère sud en raison de ses importantes masses continentales, qui réagissent plus rapidement à l’augmentation des températures que les océans, caractérisés par leur grande inertie thermique.

Rappelons enfin que cette amplification du réchauffement en arctique est prédite par les scientifiques depuis nombre d’années et qu’elle est actuellement en train d’être vérifiée empiriquement dans le monde réel.
Un article sur le site de la NOAA

2011: 2e plus petite superficie de la banquise arctique au minimum estival

Après avoir affiché des minimas records pendant une grande partie de l’année, la banquise arctique 2011 a finalement ralenti sa fonte à partir de la fin août et laissé intact  le record historique de 2007.

Elle a atteint son minimum saisonnier le 9 septembre dernier, à 4,33 millions de km2. Une telle surface se situe 35 % sous la moyenne de la période 1979-2000, une perte de glace équivalant à près d’une fois et demi la superficie du Québec, ou 3 fois et demi celle de la France.

Cette fonte quasi-record est d’autant plus surprenante qu’elle survient en l’absence des températures anormalement chaudes et des conditions océaniques particulières de 2007. L’explication la plus probable de cette situation est l’amincissement croissant de la banquise et la disparition progressive de la vieille glace (4-5 ans).  Les 5 dernières années ont maintenant donné lieu aux 5 années les moins glacées de l’histoire instrumentale de l’arctique.

D’après: Environnement Canada et National Snow and Ice Data Center

2011: volume minimum record de la banquise arctique (encore)

Le minimum record du volume de la banquise arctique établi en 2010 n’aura pas tenu longtemps.  Avec un volume total de 4 200 km3, la banquise de cette année fracasse le minimum record établi l’an dernier. La fonte de la banquise continue d’évoluer plus rapidement que ne le prédisent les modèles du GIEC.

La disparition de la glace multi-annuelle se poursuit également.  Cette glace, plus vieille et plus dure, composait la majeure partie de la banquise il y a 30 ans, mais cette fraction diminue rapidement depuis. La glace de 5 ans ou plus, qui représentait entre 30% et 40% de la banquise, composait moins de 5% de la calotte polaire en septembre 2011.

D’après: Environnement Canada et National Snow and Ice Data Center